La richesse des productions verrières est avant tout le fruit d’échanges commerciaux, de privilèges et de flux migratoires entre l’Orient et l’Occident. Longtemps, l’artisanat verrier européen reste dépendant de l’approvisionnement en verre brut oriental (Égypte, Syrie, Palestine…) jusqu’à la mise au point par les Carolingiens des premiers verres « de fougère ». De nouveaux procédés apparaissent bientôt qui ancrent la production en Europe proche des lieux de consommation : manchon dans l’Est et l’Europe centrale, soufflage en plateau dans l’Ouest de la France et l’Angleterre, miroir en Allemagne, polissage du verre et étamage venus du Nord de la France. Dès le début du XIVe siècle, les verriers italiens rivalisent avec les importations venues d’Orient en créant d’élégants objets à décors de filets bleus. Au milieu du XVe siècle, les verriers de Murano inventent le cristallo. Cette innovation italienne s’exporte à l’ensemble de l’Europe dans différents centres verriers, Normandie, Nivernais, Lorraine, mais aussi Pays-Bas, Bohème ou Angleterre.
En Avesnois-Thiérache, vaste région boisée et territoire frontalier, la première trace de l’implantation d’une verrerie remonte au XVe siècle. Ces verriers fonctionneront pour beaucoup sur le modèle du gentilhomme verrier — artisan verrier anobli en raison de leur savoir-faire rare et disposant de privilèges comme l’exemption d’impôts de droit commun ou le port de l’épée. En 1466, la famille Colnet, probablement immigrée, fonde la verrerie de Quiquengrogne. Une branche des Hennezel, maître-verrier lorrain s’implante à Clairefontaine pour fabriquer du verre à vitre « façon Lorraine », jusqu’alors présente localement avec la technique du verre plat « façon de France ou de Normandie », puis exploite dès 1675 une verrerie pour la fabrication de bouteilles de champagne à Anor. Dans le duché de Guise, le développement de la verrerie du Garmouzet en 1661 est favorisé par les ducs de Lorraine de la branche de Guise pour créer du verre à vitre et de glaces. La fin de l’Ancien Régime signe progressivement la disparition des gentilshommes verriers.
Dès le XVIIIe siècle, les verreries s’ouvrent vers de nouveaux marchés avec la fabrication de bouteilles champenoises, à l’ombre des glaceries ou cristalleries comme Baccarat qui rachète la verrerie blanche de Trélon en 1826. Fort de son savoir-faire et de l’arrivée du chemin de fer, l’Avesnois-Thiérache investit, dès le début du XXe siècle et jusque dans les années 1960, des secteurs en plein essor comme la parfumerie et les cosmétiques. La concurrence grandissante et l’arrivée de nouveaux matériaux auront raison de la dernière verrerie noire de la région, l’ancienne verrerie Mulat-Chomel, qui fermera ses portes à Fourmies en 1958 et de la dernière verrerie blanche, la verrerie Parant, à Trélon en 1977. De ce riche passé verrier subsiste encore la verrerie de Boussois, née d’une initiative industrielle franco-belge sous l’égide d’Hector Despret depuis toujours spécialisée en verre plat.