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Aux origines du verre

Le verre existant à l’état naturel aurait été découvert par hasard vers – 5 000 av. J.-C. dans le bassin méditerranéen. Il est peu à peu maîtrisé, d’abord empiriquement, selon différentes techniques comme la pâte de verre, le soufflage (amenant l’essor du verre creux), l’apport ou non de coloration, la réalisation de miroir et de verre plat. Au fil des siècles et des échanges de savoir-faire, des régions verrières telles que le territoire Syro-Palestinien, Venise, l’Angleterre, la Bohême, et tout proche, le Nord et l’Est de la France, se développent et s’illustrent par la maîtrise de techniques spécifiques. Aux frontières des sciences et des techniques, des arts et du design, le verre demeure un matériau innovant, offrant une multitude de propriétés et d’applications.

Le verre présente la particularité d’être à la fois un solide, de forme et de volume défini avec une structure désordonnée de la matière, proche de celle d’un liquide.

NATUREL/ARTIFICIEL

Sur Terre, les obsidiennes, fulgurites et tectites sont autant d’exemples de verres existants à l’état naturel. Fruits du volcanisme, résultats de l’action de la foudre, ou d’un choc de météorite, ces verres naturels sont composés majoritairement de silice, ou dioxyde de silicium. Ce minéral très abondant à la surface du globe entre également dans la composition des sables, des granits ou des quartz. Le verre présente la particularité d’être à la fois un solide, de forme et de volume définis, mais avec une structure désordonnée de la matière, proche de celle d’un liquide.

 

Comme à l’état naturel, il faut porter à très haute température, un vitrifiant, de la silice, pour fabriquer du verre de manière artificielle. Cependant, cette opération est très coûteuse — il faut atteindre la température de 1 700°C—, de plus le verre ainsi obtenu est difficile à travailler. L’ajout d’un fondant alcalin tel que le carbonate de sodium permet d’abaisser la température de fusion à 1 300°C. Le verre obtenu, instable, se dégrade toutefois dans le temps. Pour pallier ce problème, un stabilisant alcalino-terreux, comme le calcaire, vient parfaire la composition. Enfin, pour obtenir un verre d’une belle transparence et éliminer les bulles d’air, il faut ajouter des affinants physiques et chimiques.

PROCHE/LOINTAIN

La richesse des productions verrières est avant tout le fruit d’échanges commerciaux, de privilèges et de flux migratoires entre l’Orient et l’Occident. Longtemps, l’artisanat verrier européen reste dépendant de l’approvisionnement en verre brut oriental (Égypte, Syrie, Palestine…) jusqu’à la mise au point par les Carolingiens des premiers verres « de fougère ». De nouveaux procédés apparaissent bientôt qui ancrent la production en Europe proche des lieux de consommation : manchon dans l’Est et l’Europe centrale, soufflage en plateau dans l’Ouest de la France et l’Angleterre, miroir en Allemagne, polissage du verre et étamage venus du Nord de la France. Dès le début du XIVe siècle, les verriers italiens rivalisent avec les importations venues d’Orient en créant d’élégants objets à décors de filets bleus. Au milieu du XVe siècle, les verriers de Murano inventent le cristallo. Cette innovation italienne s’exporte à l’ensemble de l’Europe dans différents centres verriers, Normandie, Nivernais, Lorraine, mais aussi Pays-Bas, Bohème ou Angleterre.

 

En Avesnois-Thiérache, vaste région boisée et territoire frontalier, la première trace de l’implantation d’une verrerie remonte au XVe siècle. Ces verriers fonctionneront pour beaucoup sur le modèle du gentilhomme verrier ­ — artisan verrier anobli en raison de leur savoir-faire rare et disposant de privilèges comme l’exemption d’impôts de droit commun ou le port de l’épée. En 1466, la famille Colnet, probablement immigrée, fonde la verrerie de Quiquengrogne. Une branche des Hennezel, maître-verrier lorrain s’implante à Clairefontaine pour fabriquer du verre à vitre « façon Lorraine », jusqu’alors présente localement avec la technique du verre plat « façon de France ou de Normandie », puis exploite dès 1675 une verrerie pour la fabrication de bouteilles de champagne à Anor. Dans le duché de Guise, le développement de la verrerie du Garmouzet en 1661 est favorisé par les ducs de Lorraine de la branche de Guise pour créer du verre à vitre et de glaces. La fin de l’Ancien Régime signe progressivement la disparition des gentilshommes verriers.

 

Dès le XVIIIe siècle, les verreries s’ouvrent vers de nouveaux marchés avec la fabrication de bouteilles champenoises, à l’ombre des glaceries ou cristalleries comme Baccarat qui rachète la verrerie blanche de Trélon en 1826. Fort de son savoir-faire et de l’arrivée du chemin de fer, l’Avesnois-Thiérache investit, dès le début du XXe siècle et jusque dans les années 1960, des secteurs en plein essor comme la parfumerie et les cosmétiques. La concurrence grandissante et l’arrivée de nouveaux matériaux auront raison de la dernière verrerie noire de la région, l’ancienne verrerie Mulat-Chomel, qui fermera ses portes à Fourmies en 1958 et de la dernière verrerie blanche, la verrerie Parant, à Trélon en 1977. De ce riche passé verrier subsiste encore la verrerie de Boussois, née d’une initiative industrielle franco-belge sous l’égide d’Hector Despret depuis toujours spécialisée en verre plat.